Propositions de PNC-France pour la LPEC, la PPE et la SNBC

10 / 01 / 2023

INTRODUCTION : Politique énergétique et climatique de la France

Les propositions de PNC-France en cette année 2023 cruciale

(Association de défense du Patrimoine Nucléaire et du Climat)

 

  • En cette nouvelle année PNC-France doit se préparer à peser sur la politique énergétique de la France. C’est en effet dans le semestre à venir que le Parlement aura à s’exprimer sur les projets présentés par le gouvernement : la nouvelle Loi de Programmation Energie et Climat (LPEC), qui va remplacer la LTECV de triste mémoire, et les 3èmes  versions de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) et d’une Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) bien idéologique.
  • PNC-France a dressé un inventaire des évolutions à apporter, parfois radicalement différentes de celles qui ont prévalu. Il est présenté en première partie du texte joint. La seconde partie explique le pourquoi de ces propositions, pragmatiques,  et repose sur un examen critique et factuel du passé.
  • Des décisions désastreuses ont mis notre pays dans une, situation très difficile, que chacun ressent : politique énergétique inadaptée, perte de moyens assurant la robustesse de notre mix électrique, illusions sur l’efficacité des action en faveur de l’efficacité énergétique et de la décarbonation, asservissement aux dictats européens et à des idéologies radicales.
  • Il en résulte une faiblesse qui va perdurer une ou deux décennies car, l’énergie étant un domaine de temps long, il est clair que les moyens pour remettre sur ses rails notre politique énergétique seront long à émerger, alors même que l’Europe veut imposer des objectifs irréalistes et sa propre vision des technologies à mettre en œuvre. C’est pourquoi PNC-France présente une vision, concernant l’électricité et le nucléaire, en deux étapes :
    • Restauration de notre mix électrique afin de ne plus dépendre de pays voisins qui s’apprêtent arrêter à marche forcée des moyens pilotables (charbon, lignite et nucléaire) pourtant indispensables pour accélérer la décarbonation de la société, sans préparer leur compensation par d’autres moyens pilotables. Gaz naturel et EnR seront encore indispensables dans notre pays, à un niveau d’optimum économique. Ils devront être dimensionnés pour une action rapide de décarbonation des transports et des bâtiments tout en servant une renaissance industrielle.
    • Préparation, à marche forcée, d’un basculement à une société « électrifiée », le vecteur électrique devenant prépondérant (il ne représente aujourd’hui que le quart de notre énergie finale). PNC-France démontre qu’une vision du mix électrique à long terme ne peut s’envisager qu’avec un nucléaire majoritaire car il est remarquablement décarboné, il est d’un coût maitrisable, il peut alimenter tous les secteurs de notre économie, et il est durable. Relancer un industrie nucléaire durable est une obligation : nouveau nucléaire, assurer la pérennité du cycle du combustible, développer la génération IV avec les surgénérateurs.

Cette reprise en main de notre futur énergétique décarboné ne pourra se faire qu’en nous protégeant de la politique aventureuse que l’Europe cherche à imposer, sans prise en compte sérieuse des caractéristique nationales, en ressources et en technologies, et en nous mettant à la merci de pays ou continents dont les politiques économiques et industrielles sont très agressives.

 

ILLUSTRATION : Nicolas WAECKEL

 

 

TEXTE : Propositions de PNC-France pour la LPEC, la PPE et la SNBC  et l’analyse de la situation par PNC-France

 

1 – Propositions de PNC-France pour la LPEC, la PPE et la SNBC

Un préalable essentiel à court terme :

  • Les limites imposées actuellement à la production nucléaire, qu’il est judicieux de considérer comme d’intérêt national, doivent être supprimées par le Parlement dès que possible : (i) la capacité maximale limitée à 63 GWe, (ii) la mise à l’arrêt de 12 réacteurs supplémentaires avant 2035 et (iii) une part du nucléaire plafonnée à 50% dans le mix électrique en 2035 sont autant de limites qui n’ont aucune justification. Ne pas les annuler rendrait juridiquement fragile toute décision à venir.
  • Les procédures contraignantes et inutiles, qui freinent notre industrie nucléaire (qui est sans doute la branche industrielle la plus surveillée et la plus contrainte) et particulièrement l’implantation de nouvelles centrales, doivent être résolument allégées dès début 2023.

 

La LPEC

Elle doit pouvoir être gérée souplement, sans créer de blocages inutiles. Elle doit porter l’ambition d’une indépendance énergétique décarbonée et faciliter le développement du vecteur électrique au meilleur coût. Cette loi doit prévoir un suivi régulier de la réalité des réalisations des objectifs de la PPE et, en particulier, de leurs impacts sur nos empreinte climatique, économie et niveau d’indépendance. PNC-France estime que, contrairement à ce qui a été fait dans la LTECV, ce n’est pas le rôle d’une loi, par essence lourde à modifier, de donner des objectifs chiffrés et contraignants en matière de répartition des différents moyens de production ou économies d’énergie.   Elle doit laisser la nécessaire souplesse de réorientation en fonction des difficultés techniques et économiques relevées lors des bilans périodiques.

La stratégie de la France doit être réaffirmée en indiquant clairement que:

  • la production d’électricité par le nucléaire est d’intérêt national.
  • La production hydroélectrique est d’intérêt national dans toutes ses composantes, y compris son rôle de production électrique décarbonée et de participation au pilotage du réseau.
  • Le retraitement des combustibles irradié fait partie de la stratégie française à long terme, dans le double objectif d’optimisation de l’utilisation des ressources naturelle et de réduction de la nocivité des déchets. La rénovation des ateliers du cycle du combustible à l’horizon 2044 est engagée.
  • Que l’utilisation de la totalité du potentiel énergétique de l’uranium naturel sera développée en engageant un prototype de réacteurs de 4ème génération surgénérateur ainsi que le cyclé associé.
  • A cet effet la constitution d’un stock de plutonium de bonne qualité sera programmée pour permettre la construction en série de réacteurs à neutrons rapide dans la deuxième moitié du siècle.
  • A cet effet l’uranium appauvri présent et produit en France sera qualifié de réserve stratégique d’intérêt national.
  • La doctrine de stockage des déchets de haute activité à vie longue est confirmée et l’installation CIGEO

Il est essentiel que les objectifs stratégiques de la LPEC servent de base à notre action au niveau européen, en protégeant nos intérêts et en portant nos atouts. Ils sont opposables aux excès de la Commission européenne et doivent nous protéger de sanctions sur des objectifs contraires à nos intérêts.

 

La SNBC

Est-elle utile dans sa forme actuelle ? Si un inventaire des sources d’émissions et de leurs évolutions est indispensable pour suivre un programme à long terme, PNC-France estime que les propositions techniques de la SNBC aux horizons 2030 et 2050, sans analyse critique de leur pertinence, voire de leur réalisme, ne font que créer la confusion. Ce rôle de définition des objectifs doit être assuré dans le cadre de la LPEC au niveau stratégique et dans la PPE au niveau technique, sans détails excessifs. PNC-France propose que la SNBC soit transformée en « Évaluation de la Stratégie Nationale Bas Carbone » (ESNBC), sur la base de bilans rigoureusement menés. Une vision « bas carbone » doit primer sur une vision « vert » qui domine aujourd’hui dans cette instance.

 

La PPE

La première phase de la PPE (2024/2028) doit inclure[1] :

  • L’analyse des actions à engager pour assurer la prolongation d’exploitation des réacteurs de 900 MWe au-delà de 50 ans (à l’instar des Etats-Unis), par EDF et en concertation avec l’ASN. Il est essentiel qu’au-delà des autorisations données par l’ASN par suite des révisions décennales, la planification de l’exploitation des tranches actuelles bénéficie d’une vision à 20 ans.
  • L’engagement de 6 EPR2 au meilleur rythme en laissant à EDF, maître d’ouvrage, la responsabilité des travaux préliminaires indispensables, sous contrôle de l’ASN plutôt que dans le cadre d’une loi.
  • L’engagement d’un programme de rétablissement de notre capacité pilotable de production d’électricité, fragilisée par les politiques menées jusqu‘à présent, pour les 20 prochaines années : il doit inclure les EnR non intermittentes – hydraulique, essentiellement des STEP[2] – bioélectricité – et un optimum économique de centrales à gaz (CCG et TAC) adossées à des EnRi au seul niveau requis.
  • Le lancement de la DAC de CIGEO et son autorisation.
  • L’engagement de la piscine d’entreposage centralisée EDF à La Hague.
  • Le lancement du projet de mise à niveau des moyens de fabrication et de construction de l’industrie nucléaire française, en s’appuyant sur les capacités des pays partenaires, afin d’atteindre une capacité d’engagement de 3 à 4 tranches par an vers 2035.
  • La présentation par ORANO à l’ASN du projet de pérennisation du retraitement des combustibles usés pour la seconde moitié du siècle ainsi que celui de fabrication des combustibles, MOX inclus, pour toutes les générations de réacteurs.
  • La soumission de la DAC du projet NUWARD sur un site nucléaire existant.
  • La relance du programme de R&D sur la 4ème génération, dans la perspective de construction avant 2050 d’un prototype industriel de moyenne puissance et de préparation des ateliers nécessaires au cycle du combustible.
  • Le classement de l’Uranium appauvri (et de retraitement) en « matière stratégique », la finalisation de la chaîne industrielle permettant de le transformer, en toute indépendance, en combustible pour les réacteurs de troisième et surtout de quatrième génération (surgénérateurs) : la France en dispose en très grandes quantités, qui constituent une réserve énergétique pour des millénaires.
  • L’inventaire des sites potentiels de nouvelles STEP et présentation d’un plan d’investissement.
  • L’étude de la limite à imposer au développement des liaisons transfrontalières afin d’éviter que le marché français de l’électricité ne soit fragilisé par les sur- ou sous- productions massives d’EnRi des pays mitoyens.

 

La seconde phase de la PPE (2029/2033), dans la continuité, doit inclure :

  • La finalisation de la remise à niveau des moyens et des processus de construction de réacteurs.
  • Le lancement d’une deuxième série de 8 tranches d’EPR2, tant sur les sites actuels que sur des sites nouveaux adaptés, et la préparation d’une accélération volontariste des constructions de réacteurs, jusqu’à 3 par an pour le marché français et 4 à 5 unités, exportations incluses.
  • La réalisation concrète de la première phase de CIGEO.
  • Le soutien fort au programme de R&D sur la 4ème génération.
  • La fin de la construction de la piscine de La Hague.
  • L’engagement de la jouvence de l’usine de traitement des combustibles usés de La Hague et des installations concernées par la fabrication des combustibles.
  • La décision de construction de nouvelles générations de réacteurs avec deux objectifs bien distincts :
    • SMR de génération III électrogène (a priori pour l’exportation sauf unité de démonstration), et/ou calogène.
    • Avant-projet de réacteur prototype de génération IV, surgénérateur assurant la « fermeture du cycle de combustible » et offrant à la France une ressource pour le très long terme.
    • Poursuite de la mise à niveau de notre capacité de production pilotable d’électricité au meilleur coût en fonction des prévisions de croissance de l’usage de l’électricité dans la décennie suivante.

 

Vis-à-vis de l’Europe,

Il est du devoir du gouvernement d’évaluer la pertinence des engagements européens et de leurs déclinaisons au niveau national, et de veiller à ce que les interventions de nos représentants au parlement européen n’aillent pas à l’encontre de nos intérêts. Elle doit informer clairement la Commission européenne du caractère surréaliste de certains de ses objectifs contraignants, afin de se protéger de sanctions injustifiables. Ce n’est pas à l’Europe de fixer des objectifs technologiques : elle doit proposer des objectifs généraux (climat, indépendance énergétique, solidarité), qui ne peuvent être qu’incitatifs compte-tenu des incertitudes, et s’attacher à garder la souplesse nécessaire pour les réviser périodiquement et adapter les soutiens apportés. Les États membres, dans le cadre des prérogatives qui sont les leurs, sont responsables du choix des technologies qu’ils jugent les plus pertinentes. C’est une responsabilité que chaque État membre doit pouvoir exercer librement : c’est à chacun d’assumer les conséquences de ses propres choix.

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2 – L’analyse de la situation par PNC-France

Un bilan très préoccupant, largement occulté dans le dossier soumis à réflexion.

Quinze ans de dogmes dominent depuis le Grenelle de l’environnement : « la consommation d’électricité va se stabiliser ou diminuer et le nucléaire ne sera plus nécessaire, la consommation d’énergie finale va diminuer fortement, il est évident qu’une France 100 % renouvelable peut-être garantie et sera très compétitive ». Ces dogmes illusoires ont été repris par la SNBC, la LTECV, et déclinés dans la PPE. Les multiples alertes du monde des sciences et de l’ingénierie ont été délibérément ignorées par les gouvernements successifs au bénéfice de discours idéologiques. Or les scénarios pris en compte dans la consultation engagée par ailleurs (une de plus !), celle de la CPDP sur les « programme nouveaux réacteurs nucléaires et projet de deux réacteurs EPR2 à Penly », sont principalement ceux qui ont porté cette stratégie, ceux de l’ADEME, de NégaWatt et les « scénarios M » de RTE (domination des énergies renouvelables en 2050 avec une part de 87% à 100% de la production électrique). Les « scénarios N » de cette étude RTE incluant une part de nucléaire en 2050 (avec un maximum de 50 % en 2050) n’ont pu être arrachés qu’au forceps mais tous les autres scénarios ont été ignorés.

Il en est résulté une envolée du prix de l’électricité, du fait de l’attrition des moyens de production pilotable (+60 % bien avant la crise ukrainienne), puis une dérive ubuesque des objectifs du nucléaire avec un arrêt programmé de 14 réacteurs en 2025, puis en 2035, puis le plus tard possible, ces révisions successives intervenant en 5 ans seulement. Comment oublier l’arrêt catastrophique de Fessenheim un an avant d’annoncer le nouveau nucléaire, puis la nécessité de prolonger l’exploitation du parc nucléaire actuel et du parc résiduel charbon ?

Depuis 15 ans, nous avons importé massivement des équipements de production d’électricité renouvelable (éolien et solaire), faute d’avoir créé une industrie, pendant que l’État imposait une coûteuse obligation d’achat à tarifs imposés, transformée en 2016 en un complément de rémunération par rapport au marché des EnRi, tout en pillant EDF avec le TaRTAM en 2006 (tarif réglementé transitoire d’ajustement au marché), devenu 4 ans plus tard l’ARENH (accès régulé au nucléaire historique »), dispositifs interdisant à l’électricien national de dégager des marges d’autofinancement et l’endettant lourdement au bénéfice d’une cohorte de négociants sans responsabilités (dont certains aujourd’hui abandonnent leurs clients). Précisons que ces contorsions tarifaires s’effectuent aux dépens des consommateurs, d’électricité d’abord au travers de la CSPE, (maintenant plafonnée), puis de produits pétroliers (avec son impact sur les … « gilets jaunes »).

Et enfin le constat d’une faute majeure de l’État et de ses conseils, que nous payons chèrement aujourd’hui, celle d’avoir laissé diminuer de 10 % la capacité de production d’électricité pilotable depuis 2010, sans autre compensation qu’une électricité intermittente de production très incertaine.

Les ambitions affichées, tant pour 2030 que pour 2050, sont si considérables, probablement irréalistes, que seul un effondrement de notre économie en résultera : ce n’est pas d’une révision de la LPEC et des autres documents (SNBC, PPE, … ) dont nous avons besoin, mais d’une réelle refonte de notre politique énergétique, qui devrait s’appuyer sur une analyse rigoureuse des années passées.

Nous lisons dans le dossier de consultation : « la France mène depuis le début des années 2000 une politique énergétique et climatique pour réduire ses émissions » : est-ce efficace, voire vrai ?

  • A – L’empreinte climatique : si les émissions nationales de GES ont diminué de 22 % de 2005 à 2019, c’est malheureusement pour près des 2/3 en raison de notre désindustrialisation (60 % de la baisse) puis de la substitution du gaz naturel au charbon, seulement transitoire.  Ceci se vérifie bien quand on examine l’empreinte climatique de la France, seul indicateur pertinent, qui montre que, depuis la LTECV, cette empreinte est pratiquement stable (baisse de 1,4 % de 2016 à 2019). C’est ce qu’avoue le dossier en disant qu’il faudra en moins de 10 ans réduire les émissions annuelles nationales trois fois plus rapidement que par le passé (dans l’hypothèse « Fit for 55 ») alors que l’ambition communément partagée est de réindustrialiser. Ce n’est pas dit par la présentation qui parle pudiquement de rupture avec les trajectoires antérieures. PNC-France estime que la vision 2030, comme l’objectif européen « Fit for 55 », sont irréalistes et s’alarme de l’affaiblissement du vecteur électrique, considéré comme essentiel à l’horizon 2050, nucléaire et socle pilotable du mix ayant été laissés en déshérence.
    L’évolution récente des émissions nationales de CO2 reste très modeste : elles ont diminué de 327 à 311 millions de tonnes de 2015 à 2019 (pré-COVID), soit une baisse de 4 Mt/an ou 1,2 % par an (bilan énergétique 2021 séries longues). Or le think tank « Institute for Climate Economics », alias I4CE[3], chiffre les investissements favorables au climat en France à 402 milliards d’€ de 2011 à 2020, avec une croissance de 53 à 66 milliards d’€ entre 2015 et 2020 (puis 83 en 2021 !). Là encore, sur ces 4 années, le prix à payer a été très lourd : 3.800 €/tonne de CO2 évitée.
    Sur le plan financier, cette politique « en faveur du climat » est donc un tonneau des Danaïdes offrant des résultats négligeables eu égard à l’effort financier consenti.
  • B – La consommation d’énergie finale, « n’a baissé que de 4 % de 2012 à 2021, soit 0,4 % par an » mais la décroissance industrielle en est malheureusement responsable pour environ les deux tiers. Et les progrès dans les domaines majeurs que sont le bâtiment et les transports sont quasi inexistants:

D’après les données « series_longues_bilan_energetique_donnees _2020 » du SDES[4]

 

    • Dans le secteur du résidentiel et du tertiaire, les enquêtes TREMI de l’ADEME montrent la défaillance des programmes d’efficacité énergétique, qui surestiment systématiquement les gains attendus. TREMI, en 2018, avait révélé que seules 25 % des rénovations avaient eu un impact sur les consommations, les gains étant limités à une (20%) ou deux (5%) classes de DPE (diagnostics de performances énergétique, y compris pour des rénovations lourdes). Deux raisons à cela : d’une part un parc immobilier majoritairement ancien (donc très difficilement rénovable), d’autre part une réglementation, la RTE 2012, ayant favorisé le chauffage gaz dans le neuf, avec un impact défavorable sur les émissions de GES (indicateur d’efficacité énergétique fonction de l’énergie primaire consommée, et non de l’énergie finale consommée, ce qui pénalise l’électricité, affectée d’un coefficient de conversion de 2,52).
    • La consommation des transports (chiffres clés 2021) est quasi stable (les gains sur la consommation de carburant des moteurs thermiques ayant été annulés par l’augmentation simultanée du poids moyen des voitures). La transition d’un parc thermique à un parc électrique sera longue, une trentaine d’année au mieux pour le transport routier, au prix d’un bouleversement industriel dont les conséquences ne peuvent pas encore être évaluées (en matière d’étude d’impact technique et socio-économique, l’échéance de 2035 pour la fin de commercialisation de voitures thermiques neuves semble avoir été aussi mal instruite que ne l’était celle de 2025 pour la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la LTECV).
    • Il faut, pour espérer un progrès notable, basculer d’une priorité à l’efficacité énergétique, coûteuse et modestement performante, à une priorité à la substitution d’énergies non carbonées aux énergies carbonées, dans le transport bien sûr, dans l’industrie, mais aussi dans le bâtiment. La substitution d’une électricité raisonnablement carbonée aux combustibles fossiles dans ces deux secteurs sera, grâce à l’effet levier correspondant, très efficace.[5]
    • La part des énergies renouvelables« dans la consommation finale brute d’énergie s’est établie à 19,3%. L’objectif fixé par les obligations européennes à la France n’a pas été atteint (19,1% en 2020 pour un objectif de 23%) ». Le constat financier est désolant : en 2019, les charges de service public (CSPE) pour les EnR électriques s’élevaient à 5,3 milliards d’après la CRE (Commission de Régulation de l’Energie), en soutien à des équipements très majoritairement importés et à des investisseurs eux-mêmes largement étrangers. Cette faiblesse industrielle française, qui est loin d’être en voie de correction, est confirmée par la faiblesse des emplois créés, 34.220 Équivalents Temps Plein d’après l’ADEME, ce qui porte l’effort public à 155.000 €/an et par ETP.  Si on s’intéresse à la production de l’éolien et du solaire en 2019, soit 46,7 TWh (selon RTE), elle a bénéficié de 3,8 milliards d’aide au titre de la CSPE, soit de 83€/MWh c’est-à-dire deux fois le prix auquel EDF est contrainte, au titre de l’ARENH, de vendre sa production nucléaire à ses propres concurrents. Le développement du solaire et de l’éolien proposé par le gouvernement conduira, à terme, à leur substitution au nucléaire si leur priorité d’accès au réseau était maintenue. Ce ne sera pas supportable économiquement et ce sera contre-productif au regard des objectifs climatiques, les investissements pouvant être largement plus efficaces dans les autres domaines.

 

  • C – Le secteur électrique est affaibli : notre pays était un exportateur d’électricité important et, surtout, était maître de son destin avec une capacité à piloter sa production au bon niveau. Or depuis 2010, selon les bilans de RTE, qui ne semble pas s’en être ému, le gouvernement a laissé mettre à l’arrêt définitif 13,9 GWe de centrales à fioul ou charbon (sans constituer, a contrario de l’Allemagne, des réserves de capacités), en sus des 2 réacteurs de Fessenheim (1760 MWe). Cette perte de puissance pilotable, de plus de 10 % de la puissance pilotable installée, n’a été compensée que par la mise sur le réseau de 3,2 GW de centrales à gaz et de 26 GWe d’EnR intermittentes, dont la production est fatale et d’une maigre efficacité moyenne (au mieux 20 % d’une production à pleine puissance, soit 14 % pour le solaire et 24 % pour l’éolien). Le déficit global de 10,7 GWe, qui passera à 13,7 GWe en 2024, nous condamne désormais à importer de l’électricité, en large partie carbonée lors des pics de consommation pendant lesquels le prix de marché est élevé. Faut-il rappeler que, depuis 14 ans, les Présidents successifs de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) demandent que notre capacité pilotable soit confortée ?

 

Une révision complète de la stratégie s’impose.

À long terme

Les documents présentés visent à réduire de 650 TWh en 2050 notre consommation d’énergie finale (1614 TWh en 2019), effondrement compensé par seulement 180 TWh d’électricité supplémentaire selon le scénario de référence de RTE, le reste résultant hypothétiquement d’efforts considérables d’efficacité énergétique. Or, il faut en même temps réindustrialiser le pays et réduire notre empreinte climatique. La quasi-totalité de l’effort devra porter sur les seuls transports (269 TWh en 2019) et les bâtiments (930 TWh en 2019), ce qui est clairement hors de portée dans nos villes, banlieues et campagnes.

La seule stratégie soutenable à long terme doit s’adosser à une électrification puissante, largement décarbonée et pilotable. Seul le nucléaire permettrait une politique sans regret car garantissant production et coûts sur le long terme, sans se contraindre à développer des stratégies risquées et coûteuses comme celles présentées par RTE. Ses « scénarios M » font appel à l’horizon 2050 à des EnRi très majoritaires (de 257 à 344 GW), des stockages, des flexibilités (15 à 17 GW) et un thermique décarboné (20 à 29 GW) massifs et non démontrés, tant sur leur faisabilité à grande échelle et à des coûts supportables que sur leur impact sur l’environnement. Si on se projette en 2030, il est clair qu’on sera extrêmement loin de ces chiffres et, faut-il le rappeler,  le Président de RTE avait clairement identifié « quatre ensembles de conditions techniques strictes prérequis conjointement pour assurer la faisabilité d’un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050[6] ». L’objectif prioritaire devient le remplacement au meilleur coût des combustibles fossiles, fioul et gaz en France, par une électricité décarbonée et une chaleur renouvelable.

D’autres études (Académies des Sciences et des Technologies) ou scénarios (Cérémé, TerraWater, Négatep), proposent une accentuation des usages de l’électricité, jusqu’à 800 à 900 TWh, offrant des prospectives robustes à la société française. D’où l’intérêt, enfin reconnu par le Président Macron, de prolonger à 60 ans ou plus l’exploitation des réacteurs nucléaires actuels (tout en réduisant un « effet falaise » préoccupant), et de préparer notre industrie à un programme de construction de nouveaux réacteurs. Rappelons qu’il y a 40 ans, la France construisit jusqu’à 6 réacteurs par an, sans les moyens technologiques actuels, et avec la sûreté d’exploitation attendue.

  • L’objectif devrait être de produire environ 60 % de notre électricité avec le nucléaire en 2050, puis 70 % en 2060, en ayant redimensionné l’ensemble de l’industrie nucléaire, incluant le cycle du combustible et celui de ses déchets. Un étalement raisonnable et différencié de l’arrêt du parc actuel pour atténuer l’effet falaise (65 ans en moyenne au moins pour le parc), accompagné d’une montée en puissance du nucléaire nouveau au niveau de 3 réacteurs par an, serait un objectif raisonnable. La résistance des deux composants principaux des réacteurs actuels, la cuve et l’enceinte, devrait être confirmée pour une durée supérieure et l’objectif industriel, tant pour le nucléaire existant que pour le nouveau, est réaliste en s’adossant à la puissance du GIFEN et à des coopérations internationales bien ciblées.
  • Cette ambition doit accompagner une action vigoureuse à l’exportation. L’intérêt pour le nucléaire est confirmé de jour en jour, les pays cibles sont nombreux (l’Inde et l’Arabie Saoudite et, en Europe, l’Angleterre, la Pologne, la République Tchèque, la Hollande, la Finlande, la Suède, la Slovénie, la Roumanie et la Hongrie) et le nombre de concurrents est limité, essentiellement les USA et la Corée (hors Russie qui répond à des marchés relativement captifs). EDF s’organise en ce sens en développant un modèle standard commun aux deux puissances de 1650 et 1200 MW[7], conformes aux besoins exprimés, et en mettant en place le « EPR Owner’s/Operator’s Group». Conquérir une place sur le marché est urgent si on ne veut l’abandonner aux concurrents, car les 10 prochaines années seront cruciales :  les décisions doivent être rapidement prises par les États si le nucléaire doit devenir un contributeur essentiel de leurs programmes de décarbonation.
  • Faut-il faire des petits réacteurs (SMR) ? Oui, mais leur intérêt est limité pour faire de l’électricité dans des territoires densément peuplés et ayant des réseaux puissants, comme l’Europe. Ils sont intéressants pour remplacer des centrales à charbon anciennes de puissance équivalente dans de très nombreux pays pour produire électricité ou chaleur, éventuellement sur leurs sites actuels afin de réduire les coûts. Ils pourraient l’être également en France pour produire de la chaleur industrielle ou pour le chauffage. C’est pourquoi la réalisation d’un prototype de démonstration en France serait souhaitable.
  • La relance du nucléaire va avoir à terme pour conséquence une pression sur le marché de l’uranium qui doit être anticipée en raison de ressources limitées (un à deux siècles selon l’importance de la relance du nucléaire dans le monde). Il est donc nécessaire de corriger l’erreur commise en arrêtant le projet ASTRID et de relancer les études sur les surgénérateurs de 4ème génération avec pour objectif un prototype de moyenne puissance, à l’instar des USA, de la Chine, de la Russie et de l’Inde. Il faudra une cinquantaine d’année pour les industrialiser et ils devraient s’imposer en fin de siècle. Les ressources correspondantes, l’uranium appauvri (et l’uranium de retraitement), sont considérables, en France en particulier, et doivent être reconnues « réserves stratégiques »: les tentatives de transformation de ces ressources en déchets ultimes sont contraires à la politique de développement durable (optimisation des ressources et réduction des déchets) et inacceptables pour les générations futures d’autant que ce sont des matières stables chimiquement, très compactes, faciles à entreposer et occupant très peu de place.
  • Enfin, il importe de garder à l’esprit que la définition de la politique énergétique exige une programmation à très long terme, et que les réacteurs dont la construction sera prochainement engagée seront encore en fonctionnement au tournant du siècle prochain. Il s’agit dès lors d’anticiper, de façon aussi réaliste que possible, l’évolution du parc et des moyens qui l’accompagnent sur les cycles amont et aval du combustible et les installations dédiées aux déchets. La visibilité du parc à 20 /25 ans est essentielle et ne semble pas aujourd’hui clairement appréhendée. Si le renouvellement des autorisations, avec l’accord de l’ASN, est décennal, l’exploitant devrait, en concertation avec cette dernière, informer l’État des possibilités d’extension à 20 ans et en assurer un suivi serré : c’est en effet le délai nécessaire pour une prise de décision industrielle. De même, le devenir de la politique cycle du combustible au-delà de 2040 est encore incertain. L’ASN s’en est inquiétée à plusieurs reprises. Dans les sociétés modernes, l’électricité est un bien vital, d’intérêt national, et sa disponibilité à tout moment, en toute circonstance, doit être garantie. La politique à mettre en œuvre ne peut donc s’accommoder d’un manque de vision à long terme et de paris risqués sur l’avenir.

À l’appui de cette stratégie, RTE a démontré qu’un scénario avec nucléaire (N03), même encore modeste, était économiquement compétitif par rapport à des scénarios massivement intermittents pour la production d’électricité, et il serait utile qu’il analyse des scénarios plus ambitieux, avec 70 % de nucléaire.

Le coût capitalistique des grands réacteurs du type EPR pouvant poser un problème de financement (notamment pour les investisseurs privés), il convient de ne pas négliger les petits réacteurs modulaires (SMR) dont le retour sur investissement peut être plus court, donc plus intéressant pour des investisseurs privés, et qui peuvent judicieusement remplacer des centrales à charbon vétustes de puissance similaire. C’est d’autant plus vrai que la croissance du prix du CO2 devrait rendre plus attractif leur prix unitaire, qui restera probablement supérieur à celui des grands réacteurs.  Le côté beaucoup plus passif de ces réacteurs modulaires est également un atout en termes de sûreté dans des pays moins formés au nucléaire (mais correctement accompagnés, ne serait-ce que par l’AIEA) et de leur acceptation par le public. Sauf unité de démonstration, ce modèle est principalement orienté vers l’exportation, mais pourrait être appliqué à la production de chaleur industrielle et urbaine en France.

 

À moyen terme

Il est évident que du fait des erreurs passées, un apport substantiel du nouveau nucléaire n’interviendra guère avant une vingtaine d’années. Or la politique actuelle, axée sur un développement accéléré des EnRi (« La France est en retard ! …), ne répond pas à l’objectif d’électrification, car ces productions sont irrégulières et avec une garantie de fourniture très faible en toutes saisons (notablement inférieure à 5 % de la puissance installée). Elles présentent de plus l’inconvénient majeur de ne pas être adaptées à une gestion saisonnière, importante sous nos latitudes, modulation qu’assuraient les centrales nucléaires et fossiles et, plus partiellement, l’hydraulique.

Or, il faut rétablir notre capacité pilotable, en hiver en particulier. Elle est déjà déficitaire d’une dizaine de GWe, et ce déficit va s’aggraver de 5 à 10 GWe dans les 15/20 ans. Plus inquiétant, la puissance pilotable de l’ouest européen va elle-même fortement diminuer avec l’arrêt d’une cinquantaine de GWe de centrales à charbon ou nucléaires d’ici 2030 d’après France Stratégie, et de 70 GW d’ici 2035. Nous ne pourrons donc compter sur des relais européens alors même que le foisonnement des ENRi est faible dans un ensemble géographique restreint (compatible avec l’interconnexion des réseaux).  Le déficit de capacités pilotables ne pourra être compensé à court terme que par la construction de nouvelles centrales à gaz (CCG en semi-base et TAC en pointe), les centrales CCG actuelles (12,7 GWe) fonctionnant aujourd’hui pratiquement en base durant les jours ouvrables. Une croissance des EnR intermittentes, telle qu’envisagée, ne peut contribuer significativement à la garantie de production.

Il peut paraitre contradictoire de développer ainsi le gaz, la part carbonée de notre électricité augmentant de ce fait de 7/8 % à environ 12/15 %, mais l’électricité ainsi produite, modérément carbonée, se substituerait à des consommations très carbonées, dans les bâtiments (gaz et fioul) et les transports (pétrole), l’effet levier permettant une réduction radicale des émissions dans ces deux secteurs. Le niveau actuel des EnRi est sans doute déjà suffisant, mais les délais de construction de nouvelles centrales nucléaires sont tels qu’il faudra se résigner à bâtir un scénario de compromis associant directement les EnRi à un back-up gaz supplémentaire (essentiellement gaz naturel), dimensionné pour un niveau satisfaisant de capacités pilotables et pour un coût économique minimal. Le biogaz, prioritairement affecté à une production de chaleur, rendement oblige, ne sera que marginalement disponible pour alimenter ces centrales à gaz compte-tenu des limitations pratiques de sa mise en œuvre (contingentement des sols). En ce qui concerne des pointes de consommation élevées et brèves (généralement en débuts de matinée et de soirée, la solution la plus intéressante serait de relancer la construction de STEP, adossées à des réservoirs hauts existants, ou mini STEP en relation avec d’autres usages , comme le font la Suisse et l’Allemagne.

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[1] Nous ne traitons pas dans ce texte de sujet pourtant importants, mais qui peuvent être traités séparément, tels que le solaire thermique ou les biocarburants ou la biomasse solide. Mais il faut rester conscient de leurs limites.

[2]Il est possible d’associer des barrages de haute altitude, avec un volume important, à des stockages bas de faible volume, peu consommateurs de territoires, les Stations de Transfert d’Energie par Stockage (STEP) contribuant aux hyper pointes, quand l’électricité est coûteuse.

[3] https://www.i4ce.org/publication/edition-2022-panorama-financements-climat/

[4] Bilan énergétique de la France pour 2020 – tableur

[5] Un kWh d’électricité carbonée à seulement 15 %, se substituant à un chauffage ou un transport purement fossiles, très carbonés, réduit d’un facteur 3 à 4 les émissions de CO2 par effet levier.

[6] Ce sont : (i) – Maintenir la stabilité du système sans production conventionnelle (solaire en particulier), (ii) – Approvisionner la consommation en permanence, (iii) – Dimensionner des réserves opérationnelles et établir un cadre réglementaire définissant les responsabilités d’équilibrage et la constitution des réserves opérationnelles, (iiii) Développement des réseaux d’électricité à compter de 2030, tant au niveau du transport que de la distribution. Aucun de ces quatre prérequis n’est acquis et personne ne peut garantir une date où ils le seraient.

[7] Les deux modèles sont identiques avec, selon la puissance, trois ou quatre boucles.

Lire l’article  « Propositions de PNC-France pour la LPEC, la PPE et la SNBC et l’analyse de la situation » (format pdf) :

Propositions de PNC France 

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