Le stockage géologique des déchets radioactifs (SGDR) de haute activité à vie longue (HA-VL) : un consensus international
LE POINT DE VUE DE PNC – Groupe des experts J.P. PERVÈS
Plus d’un demi-siècle d’études et de démonstrations dans des milieux géologiques réels, dans de nombreux pays, ont démontré la solidité du concept de stockage géologique des déchets radioactifs les plus radiotoxiques : il garantit le stockage sûr des déchets de l’industrie nucléaire jusqu’à ce que leur impact pour les populations soit devenu infime par rapport à celui résultant de la radioactivité naturelle. PNC-France considère que notre génération aura fait son devoir vis-à-vis des générations futures en enfouissant ses déchets dans des stockages géologiques installés sur des sites bien choisis, sans transferts aqueux notables (l’eau est l’unique mode de migration des produits radioactifs dans le sol), au droit de sols sans ressources exploitables. L’étude ci-après, de Dominique Grenèche, survole la situation mondiale, rappelle des principes reconnus par l’ensemble des autorités de sûreté, et dresse le bilan des projets engagés avec toute leur diversité (nature des sols, conteneurs, type de cycle du combustible). La France fait partie des pays les plus avancés, et PNC-France estime qu’elle est désormais en mesure, comme la Finlande et la Suède, d’engager la réalisation de son projet CIGEO (CIGEO, Centre industriel de stockage géologique des déchets très radioactifs à vie longue ) ce n’est plus qu’une décision politique, la valeur du concept étant démontrée. La boucle serait ainsi bouclée pour une énergie propre, sans impact sur le climat, dont les générations futures auront un besoin impérieux.
ILLUSTRATION : Nicolas WAECKEL
TEXTE : Dominique GRENÈCHE
Le stockage géologique des déchets radioactifs (SGDR) de haute activité à vie longue (HA-VL) : un consensus international
Alors que la France devrait s’engager dans la réalisation de son SGDR, CIGEO[1], un rapide survol de la situation dans d’autres pays, très engagés dans la production d’électricité nucléaire, s’impose. En effet le nucléaire se présente comme la technologie la plus efficace de production d’électricité sans impact sur le climat, essentielle dans la perspective d’une neutralité carbone en 2050, et les populations futures doivent être protégées des déchets de haute activité à vie longue (HA-VL).
1 – Panorama international[2]
Le Conseil de l’UE a adopté en 2011 une directive contraignante établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre des combustibles usés et des déchets radioactifs, qui considère que « le stockage en couche géologique profonde constitue la solution la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets de haute activité ».
L’Agence de l’Énergie Nucléaire de l’OCDE reconnaît que le SGDR représente une « approche éthiquement correcte » (prise de responsabilité au sein de la génération qui produit les déchets), « est la voie appropriée » pour la gestion des déchets HA-VL, qu’« il n’existe pas d’alternatives crédibles» et que « quelles que soient les avancées techniques futures, la nécessité du stockage géologique de certaines catégories de déchets persistera ».
Les deux pays européens les plus avancés dans ce domaine sont la Finlande (site d’ONKALO) et la Suède (Östhammar), qui ont obtenu toutes les autorisations nécessaires (nationales ou régionales) ainsi que l’adhésion des populations locales pour ouvrir un SGDR dans le granite pour ses combustibles usés confinés dans des conteneurs de cuivre. La Suisse exploite également depuis 1984 des laboratoires souterrains à Grimsel, ainsi qu’au Mont-Terri en collaboration avec la France (ANDRA). Elle vient de sélectionner 3 sites potentiels (est du Jura, Zürich nord-est et versant nord de la chaîne de Lägern). On peut aussi souligner que le Japon, a identifié deux sites potentiels, en cohérence avec sa décision de poursuivre son recours au nucléaire pour produire son électricité.
À un stade moins avancé d’autre pays ont clairement annoncé leur recherche de sites favorables au stockage géologique : Belgique, Angleterre et Pays de Galles, Canada, Corée, et l’Allemagne elle-même.
Notons enfin qu’un SGDR est opérationnel depuis 1999 aux USA. Le WIPP, à 650 mètres de profondeur dans un dôme de sel vieux de plus de 200 millions d’années, contient déjà près de 100 000 m3de déchets radioactifs provenant des anciennes activités nucléaires militaires (surtout des isotopes du plutonium : environ 8 tonnes au total).
2 – Y a -t-il des alternatives au SGDR des déchets HA-VL ?[3]
Des options très diverses ont été étudiées depuis les années 1950[4]. Elles ont été jugées moins fiables, voire peu scrupuleuses des contraintes et des risques légués aux générations futures. Il en est de même de la solution proposée par certains opposants au stockage géologique, qui consisterait à conserver sans limite de temps ces déchets HA-VL dans des entreposages construits en surface, en laissant la charge aux générations futures.
Quant à la solution qui consiste à réduire la toxicité potentielle des déchets par des moyens physiques tels que la séparation-transmutation (option prévue par la loi de 2006, dans son article 3 du titre I), elle est encore très hypothétique sur le plan de sa mise en œuvre pratique à une échelle industrielle. De plus, in fine, elle n’éliminerait pas la nécessité de stocker les déchets HA-VL résiduels.
3 – Le stockage géologique : une solution sûre et durable
La sûreté d’un SGDG est fondée sur l’interposition de trois barrières successives entre les déchets et l’environnement de surface : le « colis » qui confine les radioéléments dans une matrice ou un conteneur étanche sur de très longues durées, les barrières dites « ouvragées » au sein desquelles sont solidement enfermés les colis, la roche hôte elle-même ayant des propriétés adéquates de rétention des radionucléides éventuellement libérés.
Les critères essentiels de choix des roches hôtes sont à liés à l’hydrogéologie(minimisation des écoulements souterrains d’eau avec une très faible perméabilité) et à la stabilité vis-à-vis des phénomènes naturels susceptibles de modifier le site (sismicité ou mouvements verticaux). Il est recommandé de choisir des zones de stockage éloignées de toutes ressources naturelles potentiellement exploitables. En France, le site CIGEO satisfait pleinement à ces critères.
Les variantes sont multiples en fonction d’une part de la géologie disponible dans le pays (argile, granit, sel, …), mais aussi de la politique de recyclage incluant la séparation du plutonium, comme en France, ou le stockage direct des combustibles usés (Suède et Finlande par exemple).
Le traitement des combustibles usés (CU), tel que pratiqué en France, est très favorable pour deux raisons :
– il permet d’éliminer le plutonium de ces déchets pour le recycler dans les réacteurs nucléaires pour produire de l’énergie. Il représente plus de 80 % de la radiotoxicité de tous les radionucléides contenus dans les CU,
– les éléments radioactifs résiduels sont confinés au niveau atomique dans des matrices vitreuses pratiquement inaltérables à l’eau (l’eau étant le seul vecteur potentiel de migration des radioéléments dans les sols).
Il en résulte qu’en environ 10 000 ans environ la radio-toxicité totale des déchets devient comparable à celle de l’uranium naturel. Ce niveau ne sera atteint pour le stockage direct des CU qu’au bout de 300 000 ans, au prix d’emballages massifs peu corrodables (Cuivre).
Les travaux théoriques réalisés au niveau européen ont montré que l’impact radiologique pour les populations locales des SGDR serait nul jusqu’à quelques dizaines de milliers d’années, et qu’il se chiffrerait ensuite à quelques millièmes de celui de la radioactivité naturelle. Cette appréciation est renforcée par l’existence de nombreux « analogues naturels» qui révèlent le caractère extrêmement durable du confinement de la radioactivité dans les milieux naturels bien choisis, complétés par les « barrières » interposées entre les déchets HA-VL et la biosphère de surface[5]. Ces analogues naturels aident à comprendre le comportement à long terme des systèmes naturels à des échelles de temps géologiques de l’ordre de millions d’années[6].
4 – Conclusion
Toutes ces considérations permettent d’affirmer sans réserve que le stockage géologique des déchets HA-VL est la solution techniquement la plus sûre et éthiquement la plus responsable. Elle est d’ailleurs reconnue comme telle par l’ensemble de la communauté internationale.
[1]Les déchets haute et moyenne activité à vie longue (HA-VL et MA-VL) seront stockés à 450 m de profondeur dans une couche silico-argileuse étanche, compacte, non faillée, stable depuis des millions d’années : voir l’étude de Jean-Michel Delbecq : CIGEO,Centre industriel de stockage géologique des déchets très radioactifs à vie longue
[2]Voir le panorama fait par l’IRSN : https://www.irsn.fr/dechets/dechets-radioactifs/Pages/stockage-international.aspx
[3]Voir le rapport de l’IRSN 2019-00318 – Mai 2019 : https://www.irsn.fr/FR/expertise/rapports_expertise/Documents/surete/IRSN_Rapport-2019-00318_Alternatives-Stockage-Geologique-Dechets-HAMAVL.pdf
[4]Envoi dans l’espace, stockage dans les fonds marins ou des forages profonds, injection dans des zones de subduction de la croûte terrestre, immobilisation dans les glaces polaires ou même la dilution marine.
[5]Verres basaltiques naturels par exemple qui ont résisté à l’érosion du temps pendant des millions d’années.
[6]Un exemple emblématique est celui des « réacteurs nucléaires naturels » découverts à OKLO au Gabon, qui ont fonctionné il y a près de 2 milliards d‘années (réactions en chaîne), pendant des centaines de milliers d’années. Ils ont produit des « déchets » (produits de fission et actinides à vie longue) dont on a retrouvé sur place les descendants stables.
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