L’affaire du siècle : Des échecs aux surenchères
ORIGINE : Le Point 12 février 2021
POINT DE VUE DE PNC-France
L’Affaire du siècle a été une opération marketing de quatre ONG qui a eu un certain succès médiatique, dont le caractère paradoxal a déjà été relevé. Dans cette Affaire du siècle, les coupables sont avant tout les plaignants qui s’opposent à la mise en œuvre des moyens qui permettraient à la France d’approcher ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Certes, l’État n’a pas pris les décisions appropriées mais : à qui la faute? Demandez aux anciens ministres Nicolas Hulot et Cécile Duflot.
PNC-France partage sans réserve l’analyse de Brice Lalonde qui apporte un précieux complément à notre billet du 12 février dernier, notamment lorsqu’il souligne le caractère utopique d’objectifs de réduction des émissions, fixés par ceux-là même qui s’opposent au nucléaire.
TRIBUNE.
L’ancien ministre de l’Environnement Brice Lalonde renvoie dos à dos État et ONG, également responsables de l’échec des politiques climatiques.
C’est un jugement intéressant que le tribunal administratif de Paris a rendu le 3 février à la demande d’associations d’inspiration écologiste comme Greenpeace et la Fondation Hulot : l’État est reconnu responsable de n’avoir pas réduit les émissions de gaz à effet de serre de la France autant qu’il s’y était engagé devant l’Europe et le Parlement.
En effet, la France est sortie des clous qu’elle avait elle-même posés. Le lobby du gaz y est pour quelque chose : la réglementation thermique des bâtiments de 2012 a généralisé l’utilisation du gaz au détriment de l’électricité dans les bâtiments neufs. Et ça risque de continuer dans les bâtiments collectifs. Pour les transports, après les mésaventures des taxes sur le carbone et les poids lourds, l’électrification des véhicules ne fait que commencer.
Cependant, la France n’est pas le plus mauvais élève. Une succession de lois récentes témoigne des efforts de son gouvernement. Ses émissions par habitant sont relativement faibles. Elle le doit largement à ses centrales nucléaires, celles-là mêmes que plusieurs des associations requérantes cherchent à éliminer, préférant avoir recours au gaz pour pallier les insuffisances des renouvelables électriques, dont elles veulent promouvoir le monopole au prix d’une réduction considérable de la consommation d’énergie.
Curieusement, lesdites associations n’ont pas incriminé les centrales nucléaires dans leur requête, alors qu’elles auraient pu considérer que l’État n’en fermait pas assez à leur goût. Elles savent que ce n’est certainement pas le nucléaire qui provoque le dérapage des émissions. Leur langage devant le tribunal n’est donc pas celui qu’elles utilisent en public.
En revanche, les associations se sont plaintes de l’insuffisance des résultats dans la baisse de la consommation d’énergie et l’augmentation de la part des énergies renouvelables, qu’elles présentent comme l’alpha et l’oméga de la lutte contre le changement climatique, négligeant la nécessaire élimination des énergies fossiles.
Sur ces points, elles ont échoué. Le tribunal ne les a pas suivies, considérant que la baisse de la consommation et le développement des renouvelables n’étaient que des moyens au service de la réduction des émissions. Et qu’il était difficile d’établir une relation de cause à effet entre l’insuffisance invoquée de ces moyens et le dérapage des émissions.
Bref, le tribunal n’entérine pas la stratégie des associations, mais reconnaît que l’État ne s’est pas conformé aux lois, décrets, et transpositions de directives qu’il a lui-même promulgués. Ces émissions excédentaires contribuent bien au dérèglement du climat. Le tribunal dira dans deux mois ce qu’il ordonne, car il n’a reçu que récemment les mémoires des ministres mis en cause.
Le jugement appelle une autre remarque. Les engagements des États sont d’autant plus ambitieux que les résultats des engagements antérieurs sont décevants. La loi Grenelle de 2009 engageait la France à diviser ses émissions par 4 en 2050. Le pays n’étant pas sur la trajectoire, la loi énergie-climat de 2019 l’engage à les diviser cette fois-ci par 6 ! L’Europe connaît le même cliquet. En 2014, elle fixe un objectif de réduction pour 2030 de 40 %, fin 2020 elle le rehausse à 55 %, le Parlement européen, lui, réclame 60 %.
La question est de savoir si ces nouveaux objectifs sont fondés sur la correction des carences observées dans les défaillances antérieures ou s’il s’agit simplement de pieuses surenchères, l’excellence écologique se mesurant davantage à la radicalité des proclamations qu’aux améliorations sur le terrain. Or ce sont les mêmes associations qui poussent les élus aux surenchères pour déplorer ensuite que l’État ne tienne pas ses promesses.
C’est indéniable, les promesses de Gascon déconsidèrent la parole politique. Mais les responsabilités sont partagées. Les deux parties communient dans l’extrémisme de papier. Est-ce trop demander aux politiques de se montrer modestes, cohérents et persévérants. Et aux associations de choisir les bons leviers en faisant un peu moins de cinéma.
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