« Intermythence » en Allemagne
LE POINT DE VUE DE PNC-FRANCE
Le mois dernier, PNC-France présentait sur son site un article « La crise de l’énergie en Europe : une bataille de charbonniers » (https://www.pnc-france.org/la-crise-de-lenergie-en-europe-une-bataille-de-charbonniers/) dans lequel, entre autres, l’impact de l’électricité intermittente en France était analysé, avec une projection aux années 2030 et 2050 dans les perspectives du programme proposé par le Président de la République en début d’année pour 2030 d’une part, du scénario de référence de Réseau de Transport d’Électricité (RTE) pour 2050 d’autre part. Cet article exposait également la fragilité française qui résulte d’une insuffisance d’analyse prospective conduisant, depuis une quinzaine d’années, à un manque de capacité de production pilotable lié à l’arrêt des centrales à charbon et des deux réacteurs nucléaires de Fessenheim.
PNC-France estime utile de présenter l’analyse d’un de ses experts, « L’intermythence » , qui expose la situation de l’Allemagne et sa double caractéristique :
- d’un développement très accéléré des capacités intermittentes déjà à un niveau très supérieur (de 60 %) à celui envisagé en France pour 2030, associé à une électricité préférentiellement à base de charbon et lignite.
- et d’une prudence qui l’a conduite à préserver la capacité charbon arrêtée, en réserve pour les périodes de pointe, contrairement à ce qui a été décidé en France avec des mises à l’arrêt définitives. Elle dispose donc encore d’une capacité pilotable robuste.
Ces deux caractéristiques ont, cependant, pour conséquence le bien peu vertueux maintien d’émissions élevées de CO2.
Pour nous qui n’avons su préserver notre capacité pilotable, la difficulté est déjà là. Notre suivi de charge est fragilisé par la violence et l’imprévisibilité des fluctuations de production, déjà bien perceptible en Allemagne. Il faudra rétablir notre capacité à ajuster la production à la consommation, à la seconde près, avec une combinaison de moyens pilotables de production, de stockages et de flexibilités. Il est indispensable de rappeler les quatre conditions et prérequis conjoints relevés par le Président de RTE en 2021 en matière de faisabilité technique pour un système électrique avec une forte proportion d’énergies renouvelables à l’horizon 2050, sans préjuger de son coût :
- Démonstration à grande échelle de l’impact de celles-ci sur la sûreté du système électrique
- Développement de sources considérables de flexibilité
- Constitution d’amples réserves opérationnelles européennes
- Développement de réseaux d’électricité adaptés aux puissances véhiculées et à leurs dispersions, tant au niveau du transport que de la distribution.
Aucun de ces prérequis n’est aujourd’hui démontré en Allemagne qui doit déjà évacuer ses surproductions intermittentes vers les pays voisins, via les interconnexions transfrontalières, ce qui deviendra impossible quand ces derniers auront, conformément aux exigences européennes, eux-mêmes développé massivement éolien et solaire dans un espace climatique limité .
ILLUSTRATION : Jean-Pierre PERVES
TEXTE :
Intermythence (sic) en Allemagne : « Il y a toujours du vent quelque part », dit-on …
François Poizat, expert PNC-France
Certes, notre sphère terrestre étant constamment balayée par l’atmosphère … Pour autant, peut-on s’en remettre à cette énergie renouvelable pour subvenir à nos besoins, voire à un solaire diurne et saisonnier ?
L’Allemagne a massivement investi dans cette perspective, son système électrique, double du nôtre, étant composé, à ce jour, de presque 65 GW éoliens et 62 GW solaires (en comparaison des 61 GW du nucléaire français). C’est pourquoi nous étudions ici ce cas illustratif du futur qu’on nous promet depuis plusieurs quinquennats, d’autant qu’il est remarquablement documenté, en temps réel et en français, par le site www.energy-charts.de ( Fraunhofer-Institut für Solare Energiesysteme ») de Freiburg-im-Breisgau, voué à la promotion de l’emblématique Energiewende.
- l’éolien terrestre n’a été pleinement productif [3] que 18 % du temps,
- l’éolien offshore a eu une efficacité presque double (35,3 %, et non 45 % comme souvent affirmé) mais …
- que, en moyenne, terre et mer additionnées, l’éolien a donné à peine 20 %.
A quoi cela tient-il ? A d’énormes fluctuations instantanées, de presque rien (0,14 GW le 26 juin) à un remarquable 46 GW, le 30 novembre de la même année. Fluctuations qui peuvent être durables, et des productions hebdomadaires pouvant passer, comme en 2020, d’une semaine à l’autre, de 6 TWh en hiver à 0,4 TWh en été. Peut-être ces années n’ont-elles constitué qu’une malheureuse exception ? Hélas non, les 13 dernières années ont été très similaires, et les pannes de vent (facteur de charge inférieur à 1 %) sont récurrentes et aléatoirement réparties dans l’année (même si le vent est, globalement, plus productif en hiver et automne). On invoque parfois la complémentarité temporelle des fermes éoliennes terrestres et maritimes. Eh ! Bien ! Non, une telle complémentarité n’existe pas, si ce n’est à la marge comme le montre le graphe ci-dessous :
même si elle n’est évidemment pas constante. On notera d’abord que ce mode de production a, si l’on peut dire, le vent en poupe, le parc solaire ayant progressé d’environ 10 % durant la dernière année et déjà de 3,7 % au premier semestre 2022. Bien sûr, la production solaire, plus généreuse en Bavière qu’en Poméranie, culmine à la mi-journée mais on ne mesure pas assez combien ces pics solaires méridiens varient considérablement d’un solstice à l’autre, mais aussi tout au long de l’année.
Et, plus grave, tout accroissement du parc solaire ne fera qu’aggraver, proportionnellement, les excessifs gradients de puissance sus-dits (auxquels pourrait s’ajouter un sérieux coup de pouce d’un éolien lui-même très capricieux), sans vraiment pallier les absences hivernales de notre astre solaire : « Dispatchers, à vos manettes ! », donc …
[1] Unité de vitesse trop souvent et improprement prononcée « kilomètre-heure » (kmh) !
[2] Les multiples k (kilo), M (méga,) G (giga) et T (téra) traduisent une gradation de mille, million, milliard et billion.
[3] Une éolienne ne fournit de l’électricité que si la vitesse du vent, à hauteur de son moyeu, est supérieure à 3 ou 4 m/sec mais ne dépasse pas (pour des raisons de sécurité) 25 m/sec (soit 90 km/h).