Le réacteur « naturel » d’Oklo

11 / 03 / 2021

Le réacteur « naturel » d’Oklo

Mar 11, 2021 | Actualités

ILLUSTRATION :  Nicolas Waeckel

 

TEXTE : Gérard Pierre (PNC)

En 1972, le laboratoire d’enrichissement de Pierrelatte a analysé un échantillon provenant d’une mine gabonaise située à Oklo près de Franceville et a mis en évidence un déficit d’uranium 235 (235U). Certes, la proportion d’uranium 235 issu de la mine d’Oklo (0,717%) ne présentait qu’une très faible différence avec celle observée dans les autres gisements (0,7202%) mais ce déficit constituait une anomalie qui n’avait jamais été observée. Les investigations menées par le CEA ont conclu que cette anomalie ne pouvait s’expliquer que si ces échantillons avaient connus une réaction de fission, identique à celle qui a lieu dans un réacteur nucléaire !

Pour qu’une réaction de fission  ait lieu, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • La proportion d’uranium 235 doit se situer entre 3 et 5 % (elle n’est que de 0,7% actuellement). Mais il y a 2 milliards d’années, elle était effectivement de l’ordre de 3,66%,
  • De l’eau servant de modérateur doit être présente au sein du gisement d’uranium,
  • Les métaux et minéraux présents dans le gisement ne doivent pas absorber les neutrons, ce qui pourrait étouffer la réaction nucléaire.

Toutes les conditions d’une réaction auto-entretenue, par ailleurs décrites par Paul Kazuo Kuroda de l’université de l’Arkansas, sont présentes sur le site d’Oklo. D’autres hypothèses ont bien été envisagées, mais la découverte de traces de produits de fission, comme les signatures isotopiques du néodyme ou du ruthénium, ont validé la thèse de réacteurs naturels spontanés. La région d’Oklo  reste à ce jour le seul endroit connu de réacteur nucléaire naturel ; seize sites de ce type ont été découverts à proximité d’Oklo et un à Bangombé, à une trentaine de kilomètres, avec des traces de réactions de fission datant de près de 2 milliards d’années.

La réaction nucléaire a pu ainsi se maintenir localement, sans doute de façon intermittente, durant plusieurs centaines de milliers d’années et générer, à l’instar des réacteurs industriels d’aujourd’hui, des produits de fission non volatils. Les observations ont confirmé qu’à Oklo ces produits de fission n’ont migré, en 2 milliards d’années, que de quelques centimètres. La nature a donc confiné localement ces éléments radioactifs, non pas durant des centaines de milliers d’années, ni même des millions d’années, mais pendant deux milliards d’années, sans barrière ouvragée ni emballages spéciaux.

L’exemple des réacteurs « naturels » d’Oklo constitue une base d’informations particulièrement intéressante pour l’étude du stockage géologique des déchets radioactifs. Les observations faites sur place valident ainsi le stockage en profondeur des déchets radioactifs de l’industrie nucléaire, même sur de très longues durées. Aucun impact sur la faune n’a été mis en évidence, comme l’ont confirmé les découvertes, à proximité du site d’Oklo en 2010, de traces d’organismes pluricellulaires, puis en 2014 de fossiles macroscopiques (dont les tailles allaient jusqu’à 17 cm) datant de 2 milliards d’années. Or à cette période, le réacteur « naturel » d’Oklo était en pleine activité.

 

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